Simone de Beauvoir l’affirme dans Le Deuxième sexe : » On ne naît pas femme, on le devient « . De la même façon pourrait-on dire : » On ne naît pas mère, on le devient « . Car les médecins ne comptent plus les femmes, qui, après l’accouchement, se plaignent (ou plutôt aimeraient se plaindre, car peu de femmes osent exprimer leur détresse) de ne pas être transportées par l’émotion, de ne ressentir aucun sentiment à l’égard de leur bébé nouveau-né.
Si cette absence de sentiments vous envahit, rassurez-vous : elle ne préjuge en rien de la qualité de vos relations ultérieures avec votre enfant. Le sentiment maternel se construit peu à peu, nourri de l’interaction quotidienne qui vous lie à votre bébé, et si certaines femmes sont submergées par l’émotion dès l’accouchement, d’autres ont besoin d’un peu plus de temps pour faire connaissance avec leur enfant et peu à peu se sentir devenir mère.
Il arrive que la naissance tant attendue, peut-être justement parce qu’elle est tellement attendue, soit suivie d’une période ou domine un sentiment de vide, voire de dégoût : la confrontation d’un fantasme avec un bébé en chair et en os peut vous paraître déroutante. Devenir mère est un long travail (surtout dans le cas d’une première grossesse) qui s’accompagne d’interrogations souvent perturbantes : saurais-je être une bonne mère ? Mon enfant est-il parfaitement normal ?
Car à y bien réfléchir, quoi de plus étrange qu’un nourrisson ? Avec le bébé, malgré ses neuf mois de vie intra-utérine, il va falloir faire connaissance en utilisant des modes de communication spécifiques. Il vous faudra d’abord accepter l’idée qu’un nourrisson, dès sa naissance, devient totalement distinct de vous. L’enfant imaginaire que vous avez fantasmé et ressenti pendant neuf mois, est brusquement, du fait même de sa naissance, un être qui ne correspond pas tout à fait à l’image que vous aviez bâtie au fil de la grossesse. La confrontation avec le réel peut alors être difficile : tout enfant a été, avant de naître, un enfant imaginaire, porteur d’attentes et d’espoir. L’enfant réel, lui, sera porteur de cet enfant imaginaire (la part du père et la part de la mère), mais sera aussi porteur de sa propre personnalité, et il arrive que cette personnalité ne corresponde pas exactement aux attentes des parents.
Par ailleurs, la venue d’un enfant provoque une rupture certaine avec le passé : rien ne sera jamais plus comme avant. Quoi qu’il arrive, vous serez toujours sa mère. Idem avec votre mari, dont vous divorcerez peut-être un jour, mais qui restera à jamais le père de votre enfant, créant ainsi avec vous un lien indestructible. Vos relations avec votre compagnon devront évoluer (l’enfant peut alors parfois être perçu comme un gêneur), mais aussi avec vos propres parents, en particulier avec votre mère : une femme qui devient mère s’éloigne définitivement de sa propre enfance pour se rapprocher de sa mère, qu’elle s’identifie ou qu’elle s’oppose alors à cette dernière.
Toutes ces modifications nécessitent une période d’adaptation plus ou moins longue à votre nouveau statut. Ce passage ne se fait pas toujours sans mal et sans heurt, il arrive qu’il soit vécu dans le doute et l’angoisse, ce qui ne compromet ni la capacité, ni le bonheur d’être mère.